Le  Carrefour  de   la  Bonne  Volonté

 


Le  sol  avait  tremblé 
A «  la  Bonne  Volonté »
A ce  carrefour  des  routes 
Routes  de  juin  quarante
Plongés dans la  tourmente
En  ce matin  d’été

*

Je vous revois  mes  frères
Au milieu  des  combats
N’ayant  autour  de  vous 
Que  la  mort  et  l’effroi
Dans le  grand  désarroi 
Demeurant  malgré  tout
Dans  ces  moments  sublimes 
Comme des paysans 
Qui  défendent  leur  champ

*

Vous  combattiez   ,  mes  frères,
L’implacable  destin
Qui  s’acharnait  sur  vous 
Pour  ce  carrefour  ou  la  mitraille
Faisait  rage
Et n’offrait  à  vos  yeux
Malgré votre  courage
Qu’un triste paysage
De mort et de désolation

*

Dans le  jour finissant 
Sous le  soleil  sanglant
Au  cœur  de la  bataille
Vous vouliez encore croire 
Mais  n’espériez  plus  rien 
On livrait  dans  le  soir
Des cercueils  de  sapin
Prés du  cimetière  voisin 

*

Les  jours  de  juin  quarante
Sont tombés dans  l’oubli
Vous  êtes revenus 
Vivants  ou  disparus 
Dans  un  défilé  d’ombres
Qui  déjà  disparaît
Dans la  vérité  nue.
Le  carrefour à  repris 
Son  familier  visage
De calme et  de  labeur

*

Parfois  des  hommes  viennent 
Les  bras  chargés  de fleurs
Et de pensées   fidèles
Ils  viennent de Brienne 
Ou  bien  d’Auménancourt
Aussi  d’autres  villages 
Evoquer  la  mémoire 
De  ceux  qui  ne  sont  plus

*

C’est alors qu’ils  entendent
Monter  des  bords  de  l’Aisne 
Une sourde  rumeur 
Qui  envahit  la  plaine
Des voix venues  d’ailleurs
De toutes  parts  résonnent
Une  immense  clameur
Qui  vient  de  l’au  delà 
« On  dirait  qu’ils sont  la »
Ces  jeunes  de  quarante
Comme  en  ces jours d’été 
au  «  Carrefour  de  la  Bonne  Volonté »


Pierre Emile  DUBOIS
3éme section - 3ème  compagnie  

 

 

1940

Souvenir du  dimanche 9 juin

4 heures du matin


Tous les  ans ,  le  neuf  juin

Je  pense  à  ce  matin

A tous ces  obus  qui  tombaient  autour  de  nous

A la  mort  ,  je  pensais  dans  mon  trou

*

Malgré  toutes ces  années  passées

Je ne  puis  oublier

Pour  permettre  au  génie  de  faire  sauter  le  pont

Le  Lieutenant  nous  donne  l'ordre   d'évacuer  nos  positions

*

Dans  mon  trou ,  me  croyant  protégé

Au  fond ,  quelques  secondes , je me  suis allongé

Puis , l'idée  me vint

Que  je  ferais bien de  rejoindre  les  copains 

*

Ce  que  je  fis  immédiatement

Je  partis  donc  en  courant 

J'étais  à  peine  arrivé

Que le  pont  a sauté

*

De retour  à  ma  position

Je  constate  avec émotion

Que  , si   dans  mon trou , j'étais  resté

Je serais  mort  écrasé

*

Par  un énorme  bloc  de pierre

Je n'aurais  certainement   pas souffert

Quelques  heures  plus  tard  ,  je  suis  bléssé

A  l'arriere ,  on  m'a évacué

*

C'est  ainsi   que  j'ai  évité 

de  passer cinq ans   derriere  les  barbelés

Le  ministre  de  l'époqie  nous avait ordonné :

 

" Mourir  sur  place , plutot  que  reculer "

 

 

 

Camille  RAMEAU

Section du  Lieutenant  AMOS

5éme  compagnie