La mort du Lieutenant DESURQUE, commandant la 11ème compagnie,
sur les bords de l’Aisne
(texte rédigé par Jean Raymond DURAND, caporal chef mitrailleur, compagnie d’accompagnement du 3ème bataillon)
« …Entre l’Aisne et le canal, dont les cours deviennent très proche l’un de l’autre après avoir décrit un angle droit pour passer du sens est ouest au sens nord sud, se dresser une grue de chantier d’où l’on pouvait observer la papeterie d’Evergnicourt
Le 24 mai, il avait été décidé de ruiner les parties hautes du bâtiment de l’usine pour y interdire l’installation d’armes automatiques.
La faible distance qui séparait la papeterie des emplacements des fantassins rendait impossible un tir d’artillerie, nos positions risquant d’être atteintes par les obus, ce qui aurait pu entraîner la mise hors de combat d’un nombre important de nos hommes.
On remplaça donc le tir de canon par un tir de mortiers, les projectiles de 81 mm ayant la même puissance de destruction que les obus de 75 mm.
La 11éme compagnie du Lieutenant DESURQUE ( 8éme au premier rang en partant de la gauche )
La grue était dans le secteur occupé par la 11ème compagnie que le Lieutenant Desurque commandait depuis le début de la guerre. Appuyant cette compagnie, la section de mitrailleuses à laquelle j’appartenais était en positions au bord du canal, environ 300 mètres en aval.
Le Lieutenant Desurque monta sans difficulté dans la grue afin de diriger le tir de mortiers. On entendit quelques explosions puis un coup de fusil, le seul de la journée. Et ce fut le silence
L'endroit ou se trouvait la grue , aujourd'hui
Peu après, je vis s’avancer sur le chemin de halage, à la vue des allemands qui n’intervinrent pas, 4 brancardiers. Ils portaient sur leurs épaules une civière sur laquelle était étendu un corps inanimé : c’était celui du Lieutenant Desurque, qu’ils avaient descendu de la grue je ne sais comment.
A chaque pas tombait du brancard quelques gouttes de sang
Avec l’accord de mon chef de section, je suivis les brancardiers sur un sentier qui s’enfonçait dans le bois. Ils arrivèrent au PC du bataillon, installé dans une carrière à ciel ouvert, prés de l’Auberge de la Bonne Volonté ou nous venions nous ravitailler chaque soir.
Le brancard posé à terre, le médecin lieutenant BAUDRY s’avança et se pencha sur le corps étendu. Il souleva ses paupières, ouvrit sa vareuse, toucha sa poitrine couverte de sang et se releva.
Plan de situation réalisé par Jean Raymond DURAND
Sans prononcer une parole, il se mit au garde à vous et fit le salut militaire. Les officiers et les hommes présents l’imitèrent. Je compris alors que le Lieutenant Desurque avait cessé de vivre.
La perte du Lieutenant Desurque fut douloureusement ressentie par tous ceux qui le connaissaient, en particulier la 11ème compagnie.
Serge Martin, son ordonnance, qui vécut à ses cotés jusqu’à la fin, lui à rendu l’hommage le plus simple et le plus émouvant "lorsqu’il fut tué, il nous a semblé que la compagnie avait perdu son âme"
Le lendemain, dans la petite église de Brienne, l’abbé Jean De Lespinois, sergent réserviste de la 9ème compagnie, célébra une messe pour le Lieutenant Roger Desurque, mon ami, rentré à la maison »
L'usine d'Evergnicourt , avant guerre
De tout les témoignages qu’ils nous est permis de connaître , le Lieutenant Desurque est quelqu’un de très apprécié par tout les gens qui l’entourent :
Souvenirs de ses frères d’armes :
« Jeune commandant de compagnie , considéré par ses chefs comme un officier d’avenir , adoré par ses hommes .
C’est en allant jusqu’au extrême limites de son devoir , dans des circonstances que nous ne pouvons relater maintenant , qu’il a été atteint par une balle ennemi » (Journal Le Lorrain 08 juin 1940)
« Il était né pour être chef .Il en avait la clairvoyance , il en avait la volonté » ( Colonel Daval , Commandant le 151éme RI)
« il avait su par son optimisme tranquille me faire aimer la vie dure de fantassin .Le Lieutenant Desurque reste pour moi d’une âme d’élite et un motif d’optimisme dans la destiné de notre pays » (Médecin Capitaine Berger – 3ème Bataillon – )
« Je n’aurai qu’a songer à lui quand je voudrais vaincre les difficultés de la vie ; il inspirait une telle force , une telle sureté , un tel sens de l’honneur » (Sous Lieutenant R. J. – 151ème RI )
Ses pensées :
A ses parents ,Lettre du 16 mai 1940 :
« nous entrons dans une période active , mais ne craignez rien , nous sommes prêts .J’ai confiance dans mes hommes et on m’affirme qu’ils ont confiance en moi »
Sa dernière lettre , 22 mai 1940 :
« Rien de grave jusqu’ ‘a présent .Nous les tenons de prés , seulement je me rapproche de vous »
Mais soyez sans inquiétude, ils ne passeront pas »
A sa fiancée , sa dernière lettre , 23 mai 1940 :
« … C’est vrai que nous passons actuellement par des moments bien durs mais notre peine d’être séparés et inquiets , l’un pour l’autre , elle est à nous deux comme notre amour , et nous pouvons l’offrir ensemble pour que cette guerre finissent vite et bien »
A ses hommes au moment du départ pour le front :
« …. Et surtout , ne vous créez pas à l’avance une mentalité de victime .On ne part pas à la guerre pour se donner l’auréole du martyr , mais bien pour repousser l’ennemi .Conservez toujours le sentiment de l’offensive , la victoire doit être votre seul but , votre unique pensée »
Le Lieutenant DESURQUE sera nommée Chevalier de la Légion d 'Honneur au journal officiel du 29 aout 1940:
Le Général d’Armée, Sous secrétaire d’Etat à la Guerre
Arrête :
Sont inscrit aux tableaux spéciaux de la Légion d’honneur
Pour Chevalier:
DESURQUE, Roger, Charles
Lieutenant- Jeune officier d’élite dont la carrière s’annonçait brillante .
Excellent Commandant de compagnie qui avait su s’affirmer par sa valeur et son courage.
A été grièvement blessé en se découvrant pour mieux remplir sa mission
(J.O. du 29 aout 1940)
La plaque aux éleves mort pour la France d'un lycée de Nancy ou Roger DESURQUE fera ses études