Lieutenant Colonel Alfred DAVAL

-commandant le 151ème Régiment d’Infanterie-
 mort au combat le 16 juin à Vougrey

 

Depuis la mobilisation de 1939, le 151ème Régiment d’Infanterie , appartenant à la 42ème Division , est parti de ses quartiers de Metz .Montant sur la frontière allemande , il va connaitre la ses premiers combats et ses premiers tués .C'est le Lt Colonel Thierry d’Argenlieu qui le commande depuis qu' il a remplacé le Colonel Delattre de Tassigny en 1937.
Alors que la guerre prend place sur le sol français et que le régiment se déplace, le commandement change une nouvelle fois et appartient désormais au Colonel KUHNMUNCH. Cependant celui ci ne fera qu’un bref passage au régiment et sera remplacé à partir du 17 avril 1940.
Il est alors remplacé par le Lt Colonel Alfred DAVAL, fraichement promu depuis le 25 mars 1940 ; Il vient de la 5ème demi Brigade de Chasseurs.

Mais Alfred Daval a déjà derrière lui un long passé militaire. Né le 14 novembre 1890 au Thillot dans le département des Vosges, il est appelé avec la classe 1910 et est incorporé le 9 octobre 1911 au 15éme Bataillon de Chasseurs à pied comme simple soldat. Libéré après son service de 2 ans, il est rappelé lors de la mobilisation générale du 2 aout 1914.Il est alors sergent. Lors de celle ci, il sera blessé deux fois.
Le 29 juillet 1915 , il est blessé par des éclats de grenades à la cuisse droite et à l’épaule lors des combats au Linge .Le 8 octobre 1918 à Essigny le Petit dans l’Aisne , il est à nouveau blessé au avant bras mais cette fois ci par balle . Promu à différentes reprises, il atteint le grade de Capitaine le 19 avril 1918.

 

Au sortir de la guerre, il totalise 5 citations dont deux à l’ordre de l’armée, deux à l’ordre de la division, et une à l’ordre du corps d’armée.
On peut notamment lire dans « Les annales » du 27 février 1916 , dans la 3ème partie de Face à l’ennemi , les impressions et souvenirs d’un soldat ayant côtoyé alors le Lieutenant Daval .Il nous montre un officier plein d’allant et montrant un très bel exemple pour ces hommes de calme et de sérénité malgré la terrible épreuve des tranchées .Il se verra attribué la croix de guerre 14-18 , la médaille interallié de la Victoire, et sera promu Chevalier de la Légion d’Honneur le 27 aout 1915.

Resté sous les drapeaux il est promu chef de Bataillon le 25 juin 1933, et est affecté au 159ème régiment d’infanterie.

 

Promu Lieutenant Colonel le 25 mars 1940, il quitte la 5ème demi Brigade de Chasseurs le 17 avril pour venir commander le 151ème RI.

Après un retard dans sa prise de commandement , le Colonel retrouve donc au environ du 25 avril le régiment qui se trouve dans la région de Bockange ( Meuse ) , village ou le poste de commandement est installé.
Il est très fier d’arrivé à la tête d’un régiment tel que le 151ème RI , qui à une longue histoire .Il nous le montre dans sa lettre du 1er mai 1940 : «…Donc me voila à la tête d’un beau régiment dont on dit beaucoup de bien .Je ferais mon possible pour être à la hauteur d la situation et conserver les belles traditions qui existent dans cette unité ….. »
Le 14 mai, le régiment est attaqué sur le secteur de son 3ème bataillon. prés de Bouzonville. Les Allemands veulent prendront la cote 335. Ce sont les premiers jours de combats que le Lt Colonel DAVAL doit gérer depuis sa prise de commandement. Les combats sont acharnés .Une section de la 10ème compagnie sera anéantie.

Au vue des événements du Nord, le haut-commandement demande au Colonel de se porter avec son régiment au nord de Reims dans le secteur de Brienne –Auménancourt. Il a pour but de relever le 5ème régiment de la 10ème DI qui constituait jusque la un rideau très mince sur la Suippe et l’Aisne, deux rivières formant un barrage naturel dans ce secteur

Le 19 mai, le régiment arrive avec des autobus parisiens à Reims .Les éléments lourds du régiment vont rejoindre par voie ferré.
Le Colonel Daval a la charge de défendre un secteur et dispose ainsi ces bataillons de la manière suivante : le 1er bataillon à Brienne sur Aisne, le 2ème à Neufchâtel, et le 3ème tient la Suippe et le bois des Grands Usages. Le colonel se recentre par rapport à son dispositif.

Le Lieutenant Colonel DAVAL choisit ,le 3 juin , une ferme d’Auménancourt le Petit pour installer son poste de commandement.Ils vont y deumeurer jusqu’au 10 juin .La compagnie d’accompagnement du 3ème bataillon va être afféctée , pour la nuit du 9 au 10 juin, à la protection du poste de commandement régimentaire.Jean Raymond DURAND en faisait partie , il nous raconte…

« Dans la maison, où avait été installé le PC du régiment, se trouvaient avec d’autres soldats de la CHR (Compagnies Hors Régiments), Jean BERNARD (transmissions) et Simon RENAULT (topographe). Les voltigeurs , une section d’environ 40 hommes , se trouvaient dans des bâtiments de la ferme .Quelques observateurs surveillaient les alentours .Les mitrailleurs avaient un champ de vision très réduit , limité du fait de la petite dimension de la meurtrière faite en pratiquant un trou dans le mur. Nous n’avons pas tiré un coup de feu de la nuit »…. « J’ai vu le colonel monter le petit escalier de la maison principale totalement harassé abattu par la perte de ses hommes, on aurait cru un « vieillard … »
Jean Raymond DURAND- Compagnie
d’accompagnement du troisième bataillon

 

Le régiment va subir des accrochages jusqu’au 9 juin, jour du déclenchement de l’attaque face au régiment. A partir de là ,à chaque message qu’il reçoit de ses commandants de bataillon lui indiquant la pertes de leurs soldats , le colonel les ressent comme un coup de poignard .Il est très attaché aux personnels de son régiment

 

Le début de la retraite commence le 11 juin

Dans les jours qui vont suivre, le régiment se replie en combattant pas à pas .Le PC se déplace et notamment stationnent successivement à Bezannes, Ludes, Tours sur Marne, Pouan, Villechetif.

(Dans la suite du récit, les codes font références aux deux schémas du hameau de Vougrey)

Le 16 juin vers 1h du matin le PC quitte le village de Villechetif et se dirige vers la Seine pour la franchir. Après un accrochage avec l'ennemi , le Lt-Col Daval reçoit par son commandant de division, sur le pont de Courtenot , l'ordre de stationnement à Vougrey pour son régiment .Il envoie des éléments vers le hameau afin qu'ils s'y installent .Ces premiers éléments y arrive vers midi .Le soldat Jean Bernard en fait partie .Il constate qu' un avion allemand , que les soldats français surnomment le mouchard, les survole . Celui ci lâche une fusée blanche. Ils savent alors qu'ils ont été repérés. Ces éléments sont commandés par le Cdt Daveau et il fait établir dans une grande bâtisse muni de nombreuses portes et fenêtres le PC ( M1) .Immédiatement , des soldats se mettent en position dans les fermes et maisons alentours .C'est alors que le Colonel arrive vers 13h30.

Il y retrouve son adjoint , le Cdt DAVEAU , le chef du 2ème bataillon , le Cdt BERTRAND, et son adjoint le Cpt CAPDEBOSCQ, les membres de l'Etat Major du régiment , le Ss Lt BRO et le Lt SCHILLING, le Cpt BLACHAS de la compagnie divisionnaire anti-char, le SsLt ROUSSEL et l'Adj.-Chef CAUDRON de la section de commandement , les Lt OUDOT et WEIL de la compagnie Hors Rang et le Ss Lt BOVERAT de la compagnie régimentaire d'engin
Sont également présent : le Cpt MALFRE et DENEFLE, le Ss Lt LAYRAC, le Caporal Chef WINOCKOUR et les soldats DUCOIN, BERNARD, CAFFY, LAURY et d'autres dont nous ne connaissons pas l'identité

Nous estimons l'effectif du personnel défendant le secteur de Vougrey et des Bordes à une centaine d’hommes, la majeur partie se trouvant à Vougrey. Malgré la demande de certains de ces soldats, le colonel ne veut pas quitter son régiment et demande de stationner à Vougrey afin d'y attendre les restes des 3 bataillons
Le dernier canon de 25 m/m est mis en batterie en direction du carrefour central du hameau par les membres de la Compagnie régimentaire d'Engins.

Des habitants de Lantages se souviennent avoir rencontrer le colonel vers 14h30.Lors d'une courte discussion , il conseille au habitants de ne pas partir sur les routes au vu du danger que cela représente mais simplement de trouver un abri en cas de bombardement ou de combats. Il leur dit également qu'il prévoit un grand combat au carrefour. Ce qui impressionne les habitants tous comme ces soldats, c'est le calme du colonel.

Vers 16h le Colonel apprend l'attaque par des éléments blindés ennemis des Bordes, hameau voisin de Vougrey ou s'était installé des éléments de la 3ème compagnie .Son Lieutenant, le Lt GUILLOUET, va trouver la mort lors de ces combats au détour d'une maison.

Vers 17h 30 , alors que le colonel rentre au PC (M1) pour rejoindre les défenseurs du lieu .Au même moment , le canon de 25m/m tire son premier obus sur une automitrailleuse ennemie se présentant au carrefour central du hameau .Dés le premier obus , le véhicule ennemi est mis hors de combat .Le capitaine Blachas , de la compagnie divisionnaire antichars prend la place du tireur et continue à ouvrir le feu sur l'assaillant .

Alors que le dernier survivant de l'automitrailleuse vient d'être abattu par le soldat DUCOIN, le commandant DAVEAU se trouvant sur la route fait signe aux hommes du PC du sucés du tir du canon. Les différents soldats sortent de leurs positions et on fait comprendre au commandant DAVEAU que de rester sur sa position est dangereux. Il réintègre donc la maison du PC RI (M1).
Effectivement , peu après , au environ de 18h , tout le monde est en position alors que le soldat Caffy , positionné dans les écuries (M7) aperçoit un groupe ennemie arrivant par le Nord dans un chemin creux .Il tire sur ce groupe et en abat trois mais lui même est mis hors de combat et se replie dans la maison du PC (M1).Il se fait soigné par le pharmacien Lieutenant OUDOT.L'ennemi progresse et s'installe au coin nord est de la maison (M1) et installe une mitrailleuse qui leur permet de balayer la cour de la ferme .Cependant, il n'ose y pénétrer. Ils font de brèves reconnaissances prés des fenêtres de la bâtisse (M1) et tirent si les défenseurs du hameau se montrent .Vers 18h30, des grenades sont lancés avec l'intention d'incendier différentes parties de la ferme. Ce qui a pour effet de mettre le feu au tas de fumier dans le milieu de la cour , aux écuries et à l'étable ainsi qu'au gerbes de pailles entreposé dans le garage entre le plafond et le toit.


Vers 19h , on avertit le Cpt MALFRE et le soldat LAURY , positionné dans la cuisine (1) , qu' un groupe d'allemands approche par le nord et qu'on les voient par la fenêtre de la cave (7).Il s'y rendent et abattent plusieurs allemands alors que d'une fenêtre toute proche , le Caporal Chef WINOCKOUR, fait feu sur les assaillants progressant sur la bute qui domine au nord le PC (6).
Vers 19h30, la porte faisant communiquer la cuisine et le passage couvert prend feu par le bas. L’incendie, allumé voilà une heure, progresse vers la partie principale de la maison. Le feu sera éteint avec du vin faute d'avoir autre chose.

C'est peu de temps après que le Colonel DAVAL, craignant que l'incendie envahisse le corps principal de l'habitation (M1) prend la décision d'évacuer le PC. Il a peur que tout le monde soit " grillé comme des cochons la dedans "Ayant réuni les personnes présents dans la maison , il expose en quelques phrase s simples et direct les dangers de continuer un combat presque au corps à corps et sans la certitude de vaincre .Il montre que la maison se transforment en souricière et qu'elle va bientôt être la proie des flammes .Il sait très bien que l'ennemi ne fera pas de cadeau à des soldats ayant combattu aussi longuement s' ils se rendaient .
Le seul salut était donc dans l'audace en sortant un par un de cette impasse.

Alors qu'il donne ces ordres et demande un volontaire pour traverser la cour et rejoindre une autre habitation du hameau (probablement M2), personne ne se présente. Il décida donc d'être alors "le volontaire".C'est alors que ,se munissant d'un fusil dans la main droite , le casque sur la tète comme n'importe quel autre soldat, il s'approche de la porte central de l'habitation. Il ouvre la petite porte double et descend les 3 ou 4 marches du perron en deux enjambé. Il se lance au pas de course dans la cour afin de gagner la route.

A peine est il arrivé au milieu de la cour qu'une première rafale d'arme automatique se fait entendre .Tout le monde voit le colonel s'écrouler , son casque roulant à terre .Une balle vient de lui frapper la tête. Il tente de se redresser sur ses mains mais une deuxième rafale vient l'immobiliser pour toujours.(8)
Personne ne peut intervenir dans cette cour balayé par les armes automatiques mais tout le personnel a le désir de récupérer au plus vite le corps du Colonel.

Le  Colonel  sera  cité  à l'ordre de l'Armée :


Les défenseurs du PC (M1) continue à ce battre jusqu'au environ de 20h .Le Cpne BLACHAS et le Lt SCHILLING dans la maison ou ils sont postés(M2) , essaient au mieux d 'organiser la défense et en plaçant les hommes face au point ou l'ennemi se révèle .Notamment vers 18h30 , on voit apparaitre l'ennemi venant du Sud sur la route de Lantages et se dirigeant vers le carrefour central du hameau .Ils se défilent en passant devant le poste de secours et le Cpne BLACHAS ouvre le feu .Mais l'inégalité du combat commence à se faire sentir .Les valeureux soldats français n'ont que des armes individuelles et un canon de 25 mm face aux automitrailleuses et armes automatiques et collectives des allemands .De plus, le nombre croissant d'ennemi apparaissant à différents endroit fait craindre le pire .
Les deux officiers , vers 20h 15, regarde par une fenêtre dans l'entrebâillement des volet (M2) ce qu'il se passe réellement et notamment dans la cour du PC(M1) .A ce moment , ils aperçoivent le corps du colonel et veulent à tout pris se rendre au PC .Apres une tentative infructueuse , un deuxième essai leur permet de se rendre au PC en traversant la cour sans y être inquiété. Une brève accalmie semble se dessiner.
Ils font un rapide compte rendue la situation au commandant DAVEAU .Celui ci , devenu qui à pris le commandement du régiment décide d'évacuer le PC(M1) .Tout le personnel se rend au pas de course dans un hangar (H1 et H2) situé derrière le jardin de la maison ou avait pris position le Cpne BLACHAS (M2 ).Il est alors 21 h. L'objectif est alors de rassembler le maximum de personnel et de sortir du hameau à la faveur de la nuit.

Des petits détachements , au nombres de 4 , sont constitué , afin de prendre la direction de Dijon .Le Ss Lieutenant LAYRAC à pour ordre de faire sauter les dernières chenillettes , camionnettes et voitures situé dans différents hangars du hameau ( H1,H2,H3) .Pendant ce temps le Lt SCHILLING fait le tour du hameau et rassemble le personnel .Le drapeau du régiment est brulé .Après la mort du Colonel , voici le deuxième symbole du régiment qui s'en va .Le Lt WEIL et OUDOT , dentiste et pharmacien du régiment , reçoivent l'ordre de partir avec trois blessés inaptes à la marche dans la voiture sanitaire .Tous le reste du personnel est partagé en 4 groupes et quittent successivement le hameau a partir de 21h30 .Ces groupes sont composés d'environ 2 à 3 officiers, douze soldats et sous officiers soit 10 officiers et 51 sous officiers et soldats .Quelques éléments du régiment sont encore dans les hameaux avoisinant , notamment à Lantages en ce qui concerne le Capitaine Claudel , le Capitaine Ullmann, le Sous Lieutenant Roussel et l’Adjudant Chef Caudron

Le Lt Oudot ( pharmacien ) et le Lt Weil ( dentiste) parte en voiture sanitaire . Le groupe du Cdt DAVEAU quittera le hameau vers 22h30 .Les 4 groupes seront faits prisonniers le lendemain dans la journée. Le Colonel sera inhumé à Chaources après que les honneurs militaires lui soit rendu

Lors des différents combats autour de Vougrey , des soldats vont être fait prisonniers .Alors que les combats sont terminés , les soldats sont désarmés et emmenés .Pour une raison que l'on ignore , une trentaine de soldats sont emmené au lieu dit la Rocatelle à quelque kilomètres du hameau .Ils seront fusillés sans aucune raison .Lors du retour des villageois , ils feront cette macabre découverte et inhumerons les 31 soldats français dont 27 du 151ème RI .Il constateront qu'aucun des soldats français n'étaient armées. Mais seulement bien des années plus tard on reconnaitra ce massacre et une stèle sera inauguré en 1997 à l'emplacement même de la tragédie

 

stéle  érigé   sur les  lieux  même de la  tragédie , entre  Vougrey  et  Jully  sur  Sarce ,  prés de la  Ferme  de  la  Rocatelle